Randonnée raquette

La faune en hiver : mille et une traces

Pour tous les animaux des Alpes, l’hiver correspond à une longue traversée plus ou moins périlleuse selon les années.

Comportement hivernal des animaux sauvages

Dans ce pathétique combat pour la survie, chaque calorie a son importance et toute dépense inutile peut être fatale. Aussi les randonneurs doivent-ils s’imposer de demeurer des spectateurs respectueux dans ce grand théâtre naturel de la montagne hivernale, sans en troubler le fragile équilibre.

Trois comportements essentiels sont adoptés par la faune suivant les espèces :

  • l’adaptation ;
  • l’hibernation ;
  • la migration.

L’adaptation

La plupart des animaux s’adaptent aux conditions rigoureuses de l’hiver alpin, notamment en troquant leur tenue estivale contre une épaisse fourrure ou un duvet ouatiné qui leur permet de lutter au cours des nuits glacées et des jours de tempête contre les éléments en furie. Une autre forme d’adaptation est illustrée par l’homochromie, cette incroyable mue progressive grâce à laquelle l’animal maquille sa présence en se confondant avec le milieu ambiant.

L’adaptation concerne également d’autres aspects physiologiques comme la circulation sanguine, l’augmentation du poids grâce à des réserves de graisse ou le ralentissement de l’activité pour économiser l’énergie.

Enfin le comportement astucieux de certaines espèces les amène à stocker des vivres avant l’arrivée de l’hiver : l’écureuil, l’hermine, le chocard ou la mésange cachent ainsi leur nourriture dans toutes sortes d’abris.

L’hibernation

Stade ultime de l’adaptation, l’hibernation consiste dans un phénomène d’abaissement de la température de l’animal et de son état d’engraissement, tandis que diminue la lumière du jour.

L’ours étant absent des horizons alpins, c’est bien sûr la marmotte qui vient à l’esprit lorsqu’on parle d’hibernation, mais il existe d’autres espèces qui hibernent comme le hérisson, le lérot, la chauve-souris, le loir ou encore les grenouilles qui s’envasent au fond des mares, les serpents et les insectes qui creusent des galeries sous la terre.

La migration

L’hiver chasse certains occupants estivaux de l’espace montagnard contraints à un exode plus ou moins lointain selon les espèces.

La migration altitudinale est la plus courante, les animaux descendant dans les vallées pour bénéficier de conditions climatiques plus clémentes : c’est le cas des hardes de bouquetins du Mercantour qui hivernent autant dans le Piémont italien que sur le versant français, mais aussi des chocards à bec jaune ou des perdrix bartavelles qui quittent les sommets enneigés au profit des fonds de vallées ou même du littoral.

Des migrations plus lointaines vers l’Afrique du Nord s’observent chez certains oiseaux (passereaux, circaètes jean-le-blanc).

La faune des Alpes

Le chamois, habitué des cîmes

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L’hiver venu, le chamois se réfugie volontiers sous le couvert forestier pour échapper à la famine et aux avalanches.

S’il n’est pas pour autant abrité des intempéries et des fortes chutes de neige, son poids modéré et la cloison interdigitale qui sépare ses sabots lui permettent de se déplacer pour se nourrir alors que sa robe hivernale, sombre et duveteuse, l’isole parfaitement du froid et du vent.

Certaines hardes s’aventurent toutefois jusqu’aux cimes frontalières, profitant de périodes de beau temps pour aller brouter l’herbe dénudée par les vents ou les coulées de neige.

Au printemps, le chamois se hasarde peu à peu hors de son habitat sylvestre et on pourra le surprendre dans les adrets où il profite du soleil et de l’herbe nouvelle.

Lagopède, hermine et lièvre variable : une parure immaculée

Originaires tous trois des contrées arctiques, ces animaux ont étendu leur habitat à toute l’Europe durant les époques glaciaires. Ils se caractérisent par une mue saisonnière qui les voit changer complètement de livrée en automne pour arborer l’hiver une somptueuse parure blanche faite de plumage duveteux ou de fourrure soyeuse. Ainsi, totalement confondus dans le paysage (on appelle cela l’homochromie), ils deviennent si confiants dans leur camouflage qu’il n’est pas rare de pouvoir les approcher à quelques mètres seulement, du moins si l’on se montre discret.

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Le lagopède

Appelé aussi “perdrix des neiges”, le lagopède pousse son art de la dissimulation jusqu’à modifier trois fois sa tenue au cours de l’année.

Le lagopède en détail

Plutôt brun l’été, ou gris l’automne, mais d’un blanc immaculé l’hiver, il se fond véritable ment dans le paysage. Les plumes de ses pattes ont la particularité de s’accroître considérablement en hiver pour servir autant de protection thermique que de raquettes naturelles en augmentant les surfaces de contact avec la neige.

Pour s’abriter des intempéries, le lagopède se loge dans un creux naturel ou s’enfouit sous la neige. Il se nourrit de petits rameaux, herbes ou graines sèches mis à nu par le vent, et c’est pourquoi l’oiseau prise les endroits venteux (cols, crêtes) où la faible épaisseur de neige lui permet de gratter jusqu’au sol avec ses pattes.

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L'hermine

Prédateur redoutable malgré sa petite taille (25 cm), son élégance et son extrême gracilité, l’hermine s’observe relativement aisément.

L'hermine en détail

Si sa fourrure devient parfaitement blanche en hiver, la terminaison de sa queue demeure en toutes saisons de couleur noire. La nourriture favorite de l’hermine se compose de petits rongeurs tel le campagnol des neiges dont elle visite volontiers les galeries creusées entre la terre et le manteau neigeux.
À l’occasion, elle ne craint pas de s’attaquer aussi à des proies plus importantes qu’elle, comme le jeune lièvre par exemple. Au printemps, l’hermine décime régulièrement les nichées de perdrix ou de tétras-lyres, prélevant indifféremment œufs ou oisillons.

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Le lièvre variable

Familièrement appelé “blanchon”, le lièvre variable commence sa mue vers la mi-octobre et blanchit peu à peu jusqu’en décembre.

Le lièvre variable en détail

À ce moment-là, seules les oreilles ainsi que des cernes discrets autour des yeux sont soulignés par de petits traits noirs. Il conservera sa livrée hivernale jusqu’au mois d’avril. Indifférent aux froids les plus vifs, car protégé par sa superbe fourrure, l’animal se gîte à même la neige, creusant parfois un trou où il s’abrite après avoir brouillé les pistes par un entrelacs de traces (leurres).

À l’inverse des grands herbivores, le blanchon se déplace sur la neige avec une rare aisance grâce à ses pattes arrières, véritables petites raquettes naturelles. La rapidité de ce montagnard d’exception lui permet d’accomplir quotidiennement de longs déplacements pour aller chercher la maigre végétation restée en surface.

De jour comme de nuit, il reste une proie convoitée par les nombreux prédateurs venus du ciel comme de la terre, bien qu’il soit difficile à surprendre.

Tétras-lyre et marmottes : chants et sifflements

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Le tétras-lyre

Nommé également “petit tétras” ou “coq de bruyère”, le tétras-lyre se rencontre fréquemment en forêt où il trouve sa nourriture.

Le tétras-lyre en détail

Par mauvais temps, l’oiseau a souvent pour habitude de s’enfouir dans une minuscule cavité de neige d’où il s’envole rapidement au moindre bruit suspect. C’est en avril, début de la saison des amours, que le comportement de cet animal prend toute sa splendeur : chantant avec ce cri particulier que connaissent bien les montagnards, les mâles s’affrontent au cours de parades d’intimidation qui précèdent l’accouplement (mai). On observe actuellement une raréfaction du tétras-lyre dans nos massifs, ce qui ne laisse pas d’inquiéter les spécialistes. On peut imputer ce phénomène à diverses causes : chasse, fréquentation humaine, pâturage des ovins, câbles ou lignes électriques, mais aussi facteurs naturels (maladies infectieuses et parasitaires).

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La marmotte

Animal fétiche des Alpes, la marmotte rentre dans son terrier d’hiver lorsque la durée du jour commence à décroître significativement, en général vers la mi-octobre.

La marmotte en détail

Elle se met alors en boule dans sa chambre à coucher garnie de foin et s’endort pour un long sommeil de six mois, ne se dérangeant que toutes les deux semaines environ pour uriner dans un local exprès et se rendormir aussitôt. Dès que le printemps s’annonce, affamée par ce long jeûne, elle ne résiste pas à l’appel de la lumière et brave tous les dangers pour croquer quelques brins d’herbe sèche ou rameaux parfois très éloignés de son trou. Ce sympathique rongeur, délesté de 60% de son poids et très vulnérable sur les pentes encore enneigées d’avril, provoque alors la convoitise de l’aigle royal et du renard dont elle n’est protégée que par son fameux cri strident qui donne l’alerte.

Les prédateurs invisibles : loup, renard, martre

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Le loup

Quittant les hautes contrées pour descendre se nourrir dans les versants boisés des fonds de vallon, le loup suit les déplacements saisonniers des grands ongulés qui lui servent de pitance. Ce prédateur redoutable ne dédaigne pas à l’occasion les petites proies en période de disette. Les fortes chutes de neige constituent pour lui un handicap sérieux et le contraignent à des subterfuges, comme par exemple marcher dans les traces laissées par les hardes d’animaux ou même les groupes de randonneurs. Lorsqu’on croise par hasard ses grosses empreintes bien reconnaissables (9 x 12 cm environ), il est difficile de déterminer combien d’individus sont passés par là, le loup se déplaçant à la queueleuleu en empruntant les traces du leader.

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Le renard et la martre

Tout comme le loup, on observera très rare ment ces carnivores durant une randonnée ; en effet ce n’est qu’à la tombée du jour, durant la nuit ou au petit matin qu’ils traquent leurs proies, principalement en milieu forestier.

Ces prédateurs de l’ombre essaiment en revanche leurs empreintes, en guise de signature de leur longue quête nocturne, d’ailleurs bien souvent vaine.

On pourra avec un peu d’attention reconnaître les auteurs des traces croisées ici ou là, surtout après une chute de neige, lorsque les animaux marquent leur passage d’esthétiques arabesques.

Les hôtes des forêts : mouflon, cerf, chevreuil, sanglier

La “grande faune”, comme on nomme habituellement ces animaux coutumiers des versants boisés, ne se rencontre qu’occasionnellement, sur des itinéraires marginaux. Aussi a-t-on peu de chance de la surprendre sur les tracés les plus parcourus ou à proximité des lieux habités. Ce n’est que dans des massifs éloignés et secrets, au fin fond des forêts ou des vallons, qu’on aura la chance d’approcher en hiver ces ongulés farouches. Bien qu’exceptionnel, ce type de rencontre rappelle que nos espaces naturels abritent de majestueux animaux souvent connus des seuls chasseurs.

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Le mouflon

Originaire de Corse, le mouflon fut introduit sur le continent dans les années 50 à partir de souches croisées dans un objectif cynégétique. Cet ovin sauvage est handicapé par sa morphologie lors des hivers où d’abondantes chutes de neige se succèdent. La mortalité s’accroît alors (famine, avalanches) même si ce bel ongulé se réfugie en forêt en quittant son habitat estival. Proie favorite des loups en raison de sa mobilité réduite et de la qualité de sa chair, le mouflon voit ses effectifs se réduire notablement d’année en année (actuellement environ 700 individus dans le Parc du Mercantour).

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Le cerf

Réintroduit avec succès dans les vastes forêts à sous-bois épais, parsemées de clairières, de nos vallées, le cerf se rencontre désormais en altitude jusqu’à pratiquement 2 500 m. Les biches et les jeunes vivent en “hardes” et seuls les vieux mâles restent solitaires et se manifestent de façon spectaculaire au moment de la période de reproduction (septembre-octobre), où ils font entendre leur voix en “bramant” et s’opposent dans des combats impressionnants, mais rarement violents. Les cerfs ont la tête pourvue de bois osseux qui tombent à la fin de l’hiver et repoussent chaque printemps, de plus en plus ramifiés avec l’âge jusqu’à ce que l’animal soit trop vieux.

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Le chevreuil

Le brocard (mâle) et la chevrette (femelle) occupent les milieux où alternent bois et terrains dégagés surtout dans les secteurs où l’enneigement est réduit. Les effectifs de la population de chevreuils se sont accrus ces dernières années et cet animal élégant a investi tout le moyen et haut pays. Il est fréquent d’observer sur les tiges des jeunes arbres des arrachements de l’écorce (frottis), produits à l’époque où les chevreuils comme les cerfs frottent leurs bois contre le tronc pour les débarrasser de leur velours, mais aussi et surtout pour les chevreuils, signaler un territoire occupé. Seul le mâle porte des bois, plus courts, moins ramifiés que ceux du cerf, qui tombent en automne pour ne repousser qu’en janvier.

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Le sanglier

Mammifère difficile à observer dans la journée parce qu’il se tient caché sous un couvert végétal dense, il n’en demeure pas moins présent sur l’ensemble des massifs forestiers du département et même bien au-dessus de la limite supérieure de nos forêts. Il parcourt la nuit de longues distances pour rechercher sa nourriture et il est fréquent de rencontrer au cours des randonnées les traces appelées “boutis”, laissées lorsqu’il retourne la terre avec son groin (boutoir) pour y découvrir des racines, des glands, des champignons, mais aussi des insectes, des escargots ou autres petits vers.