A la terminaison de l’arc alpin, aux confins de la Méditerranée, se dressent à plus de 3 000 m au-dessus de la Côte d’Azur les cimes neigeuses du Mercantour, recouvertes de décembre à mai par un épais linceul. Suspendues entre ciel et mer, pays féerique dont la blancheur liliale est rehaussée par la pureté de la lumière, les Alpes- Maritimes deviennent alors les “Alpes d’Azur”, royaume du blanc et du bleu.
L’arrivée sur la Côte d’Azur en hiver, que ce soit par air, mer, fer ou route, est toujours spectaculaire et l’on ne manquera pas d’être saisi par ce contraste de couleurs qui voit s’affronter, autour du verdoyant cordon littoral, d’une part l’entrelacs immaculé des hautes vallées, d’autre part l’étendue azurée de la mer.
Le climat méditerranéen à l’ensoleillement optimal accentue encore la proximité des cimes, si bien qu’il semble soudain possible de réunir, en un même lieu, les attraits des différentes saisons.
Telle est la magie d’un département qui a su séduire aussi bien habitants que visiteurs : aucune autre région alpine n’offre en effet un tel éventail d’activités sportives hivernales à un peu plus d’une heure de voiture des villes côtières.
Outre les stations de ski bien connues telles Auron, Valberg, Isola 2000 ou La Colmiane, de vastes étendues de neige vierge proposent aux visiteurs d’innombrables parcours dans les forêts de conifères, le long des combes abritées ou sur les crêtes panoramiques.
Au départ des villages, des cols ou des hameaux secrets, balades et randonnées déploient leurs charmes renouvelés après chaque nouvelle chute de neige.
On y tracera, raquettes aux pieds, des circuits en traversée ou en boucle, prenant un peu plus goût, à chaque sortie, à cette “itinérance” hivernale dans des paysages intacts. Seuls signes de vie dans les vallons secrets, les forêts denses ou plus haut dans les espaces protégés du Parc national du Mercantour, les empreintes furtives de la faune sauvage trahissent les déplacements diurnes ou nocturnes des animaux en quête permanente de nourriture.
La découverte des itinéraires hivernaux ne date pas d’hier : alpinistes, skieurs et raquetteurs arpentèrent dès la fin du XIXe siècle les hautes vallées, défiant à la fois la dangerosité d’un milieu alors mal apprivoisé et l’éloignement considérable depuis les routes encore balbutiantes. Nombreux sont les clichés d’époque qui témoignent de l’esprit conquérant et de l’audace des “découvreurs” d’alors : l’isolement, l’absence de tous moyens de communication et de secours, l’indigence vestimentaire, la précarité du matériel réservaient la randonnée hivernale à une élite et bien rares étaient les aventuriers osant défier les cimes azuréennes entre décembre et mai.
Écoutons à ce propos le chevalier Victor de Cessole, pionnier des périples hivernaux dans le massif du Mercantour, relater l’ascension de la cime de la Palu (2 132 m), au-dessus de Saint-Martin-Vésubie :
Ce 15 décembre 1896, en prévision d’une mauvaise neige, nous nous étions munis de nos raquettes ; cette précaution ne fut pas inutile car, après 2 h de montée, nous avancions pénible ment et nous dûmes nous armer de nos engins, qu’il fallut garder tout le reste du temps.
Bien sûr, tenues vestimentaires, équipement technique, routes déneigées et refuges d’altitude ont suivi l’évolution de la société, mais une certaine idée de la montagne et cette quête ancestrale d’une harmonie parfaite avec les éléments naturels ont survécu au modernisme. Pour preuve l’étonnante actualité de cette citation historique du même Victor de Cessole :
Ce n’est pas seulement à l’époque où la nature renaît à la vie et s’épanouit à la chaleur bienfaisante du soleil, c’est aussi en hiver qu’il est intéressant de parcourir les Alpes, pour arriver à les connaître sous une autre forme : l’on éprouve alors à un degré plus intense la satisfaction de la difficulté vaincue et l’on goûte à une jouissance plus pro fonde en admirant des panoramas merveilleux, presque ignorés par les visiteurs de la douce saison.
Moyen ancestral de déplacement en neige vierge, la raquette a beaucoup évolué durant ces dernières années. Synonyme d’effort modéré, de technique simple et de dépaysement salvateur, c’est devenu une discipline sportive à part entière avec une image moderne, un matériel performant et un nombre croissant d’adeptes.
Mode de locomotion peu onéreux à la portée du plus grand nombre, la raquette plonge les randonneurs dans un univers intact et favorise les moments de communion intense avec la nature.
La technique de progression est semblable à celle utilisée sur sol ferme et il suffit donc de savoir marcher en tout terrain pour chausser des raquettes et partir en randonnée. Cependant quelques petites astuces peuvent faciliter la tâche des néophytes : par exemple ne pas trop relever la raquette, mais au contraire la laisser effleurer la neige pour obtenir une progression fluide et harmonieuse, ou bien ne pas affronter la pente le corps plié en avant pour éviter de bloquer sa respiration en frôlant l’asphyxie !
Autre conseil très important, poser les raquettes le plus à plat possible dans les traversées en dévers afin “d’accrocher” au maximum, quitte à solliciter ses chevilles sans ménagement !
Une fois cette technique rudimentaire assimilée, la raquette, avec sa vitesse de progression réduite et sa grande maniabilité, représente un moyen de découverte idéal de la montagne hivernale. Dès les premiers pas en effet, l’assurance venant rapidement, le débutant mis en confiance par l’apparente facilité de cette discipline pourra croire qu’il peut aller partout, gravir cette butte anodine, atteindre ce col évident ou ce sommet à l’aspect débonnaire. Mais pourtant le risque est là, dans un couloir d’avalanche qu’il n’aura pas décelé, dans ce versant sournois où une plaque à vent s’est formée en une nuit, sur cette crête étroite dominant des barres rocheuses...
La progression hivernale en altitude est affaire de longue expérience : il faut apprendre à connaître l’évolution du manteau neigeux, à choisir son objectif, à s’orienter précisément, à se prémunir du froid, à développer son endurance ! De plus, montées et descentes sur pente raide nécessitent un équilibre éprouvé et requièrent une parfaite maîtrise technique pour éviter la chute ou le dévissage malencontreux.
Il convient donc au départ de rester sur des sites de proximité adaptés à la pratique de la raquette et de ne risquer l’aventure en haute montagne qu’avec un bon entraînement et le concours d’autres personnes expérimentées.
Pensez notamment que des professionnels sont là pour transmettre leur savoir, leur expérience et vous faire progresser en toute sécurité vers l’autonomie !