Sur le chemin du passé...
Ânes, mulets ou chevaux de bât arpentèrent, des siècles durant, les moyennes et hautes vallées des Alpes-Maritimes ou même les zones côtières aujourd’hui dédiées à l’urbanisation et au tourisme.
On comptait, par exemple, dans notre département en 1886, peu après le rattachement de Nice à la France, quelque 9 997 chevaux, 6 604 mulets et 5 813 ânes, et encore était-ce sans inclure dans ce recensement le cheptel de la haute Roya, rattachée seulement en 1947.
Débardant le bois, transportant les voyageurs et les récoltes, labourant les restanques ou escortant les troupeaux d’ovins transhumants, ces animaux, précieux compagnons de l’homme dans les économies vivrières des temps anciens, disparurent peu à peu du paysage après le second conflit mondial. Le sociologue Raymond Aron, en vacances dans la haute Vésubie, put-il ainsi affirmer, dès le début des années 60, que cette forme d’agriculture “archaïque” était condamnée à disparaître, à court terme, des vallées alpines.
Témoignage d’un incessant labeur et legs précieux transmis par des générations de paysansmontagnards, un réseau de chemins muletiers d’une incroyable densité a marqué à jamais le paysage. Cet héritage, riche de milliers de kilomètres de viabilités et reporté depuis Napoléon sur les différentes éditions du cadastre, représente un véritable trésor, car il a permis de maintenir ouverts des espaces qui seraient, sans ces architectes de la nature, aujourd’hui interdits pour la plupart au passage du public. Rappelons, à cet égard, que le Comté de Nice fut l’un des derniers départements dont les chemins auront été référencés sur le cadastre en 1877 avec la Corse (1889) et la Savoie (1945).
Le temps des loisirs...
Après avoir quasiment disparu de nos hautes vallées dans les dernières décennies du XXe siècle, les équidés connaissent, de nos jours, un vrai bain de jouvence grâce à l’émergence d’un loisir sportif très apprécié, la randonnée équestre.
Dès les années 80, grâce à quelques courageux “pionniers ” qui ont investi les hautes vallées du Var, de la Tinée et de la Roya, les circuits à dos de Mérens ou les randonnées avec ânes bâtés ont connu un succès d’estime auprès des Azuréens et des vacanciers au point de devenir parfois de réels produits touristiques.
Les années 2000 ont vu renaître un mode de déplacement qu’on croyait révolu : centres équestres, gîtes et élevages ont redonné une âme à des contrées connues des seuls randonneurs pédestres et des chasseurs, ou de quelques motards bravant la réglementation.
La Fédération Française d’Équitation, la troisième du pays en termes de licenciés, n’est pas en reste et, à travers sa représentation locale, le Comité Départemental de Tourisme Équestre, elle contribue largement à l’essor de cette activité de pleine nature à connotation très écologique.
La randonnée équestre demande, toutefois, une connaissance approfondie du cheval et du milieu naturel : l’isolement, l’effort, les aléas météorologiques, la difficulté du terrain et la maîtrise des montures en toutes circonstances sont les paramètres essentiels d’une activité encore confidentielle, qu’il convient de ne pas confondre avec la pratique du cheval en manège ou en centre hippique.
Randonnées familiales avec ânes et chevaux de bât
La découverte de l’équitation d’extérieur répond, le plus souvent, à la simple envie de réaliser une randonnée en montagne ou en forêt, en unissant le cavalier et le cheval dans un moment de détente et de dépaysement à travers la découverte de notre patrimoine alpin ou rural traditionnel. Il existe, toutefois, une autre forme de voyage “nature” qui ne date pourtant pas d’hier, avec pour compagnons des ânes ou des chevaux de bât. Aux nouveaux moyens de transport qui permettent d’assurer, avec une relative rapi dité, tous les aspects de l’intendance inhérente à la randonnée, se substitue l’animal qui va permettre de porter des charges lourdes sur de très longues distances et sans pénibilité. Compagnon fidèle et discret, l’âne, en parti culier, saura montrer à toute la famille son affection, surtout envers les enfants, dont il profitera au maximum des caresses.
Le bâtage d’un âne ou d’un cheval comporte plusieurs particularités, puisque l’animal (bâté) est tenu par un randonneur à la longe (jamais attachée à une main), mais ignore totalement son surcroît de largeur ; de ce fait, le choix de l’itinéraire sera primordial, car même si tous les itinéraires proposés restent accessibles, certains passages peuvent se révéler délicats. Chaque charge portée est susceptible de s’accrocher à un arbre, butter contre un rocher sur un sentier étroit, ou simplement cogner contre le meneur ou un autre membre du groupe.
De même, les charges constituent pour l’animal un fardeau qui amplifie son mouvement de marche naturel et multiplie les secousses sur son dos, et risquent, si on ne prend pas garde, de le blesser. L’arrêt se fera plus par nécessité qu’en raison des désirs du groupe : en effet, l’âne et le cheval ont besoin,le soir, d’une halte où ils trouveront eau et nourriture afin de pouvoir accomplir, le lendemain, le travail demandé. Ce mode de déplacement a toutefois l’énorme avantage d’apporter aux randonneurs et plus particulièrement à une famille, une aventure empreinte de liberté en offrant une intendance mobile qui s’adapte aux exigences du terrain et la possibilité de camper dès que la nature l’inspire (mais aussi quand la réglementation le permet !).
Bien entendu, en adaptant les tenues vestimentaires, l’équipement technique et le ravitaillement des randonneurs et des animaux, on retrouvera, dans cette activité au coût relativement modeste, une pratique en liberté de la montagne en harmonie quasi ancestrale avec les éléments naturels, épurée de tout modernisme.